Sommaire

1 - La création du canal

2 - La naissance de l'oeuvre: "L'Oeuvre de Salon"
3 - L'écu

4 - Les eaux facultataires

5 - La branche d'Arles et l'Oeuvre d'Arles

6 - L'Oeuvre Générale

7 - La distribution des eaux aux XVIIe et XVIIIe siècles

8 - Les perturbations de la Révolution

9 - Les difficultés du début du XIXe siècle

10 - La poursuite des conflits

11 - La mise en place des structures actuelles et les transformations apportées par E.D.F.

 

 

 4 - Les eaux facultataires

 

 

            Adam de Craponne avait consenti de nombreuses concessions d’eau, aux uns moyennant un prix ferme, une fois payé, aux autres moyennant des redevances annuelles de diverses natures.

Les successeurs d’Adam de Craponne pouvaient, bien entendu, faire de nouvelles concessions. En fait, ils n’en ont que très peu consenti: on en comptait 9, y compris celles faites sur la branche de Pélissanne (7).

            Tous les concessionnaires ont pris la qualification de facultataires. Ils n’étaient pas membres de l’oeuvre et ne participaient pas aux assemblées. Les tenants de concessions consenties moyennant un prix ferme, ou en échange d’un terrain, eurent droit par la suite à une certaine quantité d’eau gratuite. En ce qui concerne ceux qui devaient payer une redevance annuelle, au lieu de leur stipuler des redevances fixes, on leur imposa la charge de participer aux dépenses de l’oeuvre dans une proportion variable.

 

            Dans les comptes de l’oeuvre il était fait 2 chapitres distincts: l’un concernant uniquement les actionnaires, l’autre concernant à la fois les actionnaires et facultataires. Le premier comprenait les dépenses propres aux actionnaires (service d’emprunts, frais de procédure et d’avocats), desquelles dépenses étaient déduites les recettes (produits des concessions d’eau et autres). Le second se composait des dépenses brutes d’entretien des canaux, de celles de la prise, de la manutention des eaux, etc, toutes dépenses communes aux membres de l’oeuvre actionnaires et aux facultataires. Chacun des 2 groupes y contribuait en fonction des écus qu’il représentait.

            Il est à noter que certains actionnaires avaient augmenté depuis 1583 le nombre de leurs usines et leurs arrosages. Ils payaient 2 sortes de cotisations: d’une part, une cotisation en conséquence de leur part dans l’avoir social, correspondant à une quantité d’eau qui leur avait été attribuée par les transactions de 1571 et 1583, d’autre part, une cotisation en tant que facultataires pour les eaux supplémentaires, qui ne leur donnait aucune voix supplémentaire dans les délibérations.

            L’oeuvre générale, avant 1963 et depuis un certain nombre d’années, vendait aussi, pour une période déterminée, une certaine quantité d’eau à des particuliers, qui furent appelés “concessionnaires”. Les concessionnaires payaient ces eaux à un prix fixe convenu d’avance par bail.

 


 

5 - La branche d'Arles et l'Oeuvre d'Arles

 

     

            Adam de Craponne, ruiné, dut redemander du service au Roi et abandonner la Provence.

Vers 1576, envoyé à Nantes pour inspecter des travaux de fortifications exécutés par des entrepreneurs italiens, que patronnait la reine mère, il constata de grave malfaçons dans les ouvrages. Les entrepreneurs n’ayant pu acheter son silence l’empoisonnèrent.

Frédéric de Craponne accepta la succession de son frère, sous bénéfice d’inventaire. Les droits qui restaient alors à Adam de Craponne sur son canal, après la transaction de 1571, passèrent ainsi à sa mort aux mains de son frère aîné.

 

            C’est aux frères Ravel, de Salon qu’il allait appartenir d’achever l’oeuvre d’Adam de Craponne, en réalisant son projet de prolongement du canal du moulin d’Eyguières vers Arles, à travers la Crau. Ces derniers, agriculteurs qu’Adam de Craponne avait initiés à l’art de diriger les travaux de canalisations étaient ses anciens “anniveleurs” (contremaîtres). Reprenant à leur compte la proposition faite à la communauté arlésienne par leur ancien maître, Claude et Pierre Ravel passèrent, le 3 mai 1581, par devant Maître Aubert, notaire, une transaction avec cette communauté.

            Pour obtenir l’eau nécessaire à la réalisation de ce projet, les frères Ravel eurent recours au pouvoir royal, en l’espèce le roi Henri III. La demande des frères Ravel fut accueilllie favorablement le 24 mai 1581 et faculté leur fut donnée, par acte des maîtres rationaux de prendre au terroir d’Orgon, ou autre lieu plus convenable, une quantité non précisée d’eau de Durance.

            La prise prévue au terroir d’Orgon ne fut jamais réalisée. En effet, Frédéric de Craponne proposa aux frères Ravel la cession de son droit d’agrandir le canal de Salon (droit qui aurait perdu toute sa valeur par la réalisation de la prise d’Orgon), de sa prise à Lamanon. Ces derniers, qui connaissaient les grandes difficultés d’établissement et d’entretien d’une prise d’eau en Durance, acceptèrent. Ils acquirent le 1er septembre 1581, par acte passé devant Maître Abel, notaire à Salon, le droit d’agrandir le canal principal et de dériver les eaux vers Arles.

 

            Les frères Ravel ne possédaient pas les moyens financiers suffisants pour mener à bien une tâche aussi importante que la réalisation du canal d’Arles. C’est pourquoi ils avaient envisagé de créer une “société”.

Ils commencèrent toutefois, sans plus attendre, la construction du canal, 15 jours seulement après la transaction passée avec Frédéric de Craponne. Le canal prit le lieu et place du canal particulier du moulin d’Eyguières qui était une dérivation, à Lamanon, de la branche de Salon. Il fut creusé à partir de la prise du moulin d’Eyguières jusqu’à Lagaresse, à Pont de Crau.

 

            La “société” du canal d’Arles fut constituée le 4 Janvier 1582 par un acte d’association (Maître Blanc, notaire à Arles) entre les frères Ravel et 8 contractants. Les frères Ravel eurent l’habileté de composer leur “communion” de personnages influents, possesseurs de terres et liés par la parenté, dont la situation sociale facilitait la conclusion des emprunts. La société devait demeurer commune et indivise, les associés ne pouvant vendre les parts qu’entre eux.

Dans cette association, chaque membre devait subvenir aux dépenses à part égale, sauf les Ravel qui étaient exempts de toute contribution pour être les “auteurs, promoteurs et conducteurs” de l’oeuvre. Celle-ci terminée, les bénéfices serainet partagés en 10 parts, dont une seule reviendrait aux frères Ravel.

 

            La branche d’Arles fut construite en 9 mois et les eaux de la Durance tombaient au Pont de Crau le 20 Juin 1582.

Le canal fut creusé d’Eyguières à Arles avant que le tronc commun n’ait été agrandi. Aussi l’oeuvre de Salon menaça-t-elle de déférer la société d’Arles devant le parlement de Provence. Les frères Ravel et leurs associés durent alors s’entendre avec la société de Salon, pour fixer les conditions dans lesquelles le canal commun serait agrandi depuis la prise jusqu’à Lamanon.

 

            C’est à cette époque qu’Istres vint prendre son eau au Pont Paradis, sur le canal d’Arles.

 


 

6 - L'Oeuvre Générale

 

     

            L’entente entre les 2 sociétés fut réglée par une transaction du 16 février 1583 (notaire Catrebards à Aix), à laquelle prirent part les membres de l’ancienne oeuvre (c’est-à-dire ceux qui sont associés par la transaction de 1571) et l’Oeuvre d’Arles.

            Cette transaction réunit les 2 sociétés pour former l’Oeuvre Générale de Craponne. Dans cet acte, seulement opposable aux parties signataires, ces dernières s’engageaient à observer la transaction du 20 octobre 1571. La branche de Salon obtenait un droit de propriété en cas de pénurie dans l’usage des eaux, sans pouvoir toutefois prétendre à une plus grande quantité d’eau que celle qui lui était dévolue par l’acte de 1571. Il fut convenu que l’Oeuvre d’Arles exécuterait à ses frais l’élargissement nécessaire de la prise et de la branche mère. Les moulins et arrosages d’Istres et Grans, appartenant à Frédéric de Craponne, rattachés à l’ancienne branche de Salon, entraient dans l’Oeuvre Générale avec droit de priorité sur Arles (et il fut prévu que les droits d’Arles seraient privilégiés par rapport à ceux de Berre et Martigues, villes vers lesquelles il était alors envisagé de prolonger le canal).

 

            L’Oeuvre d’Arles devait anticiper aux dépenses d’entretien de la prise, du grand canal et des fossés communs, depuis la prise jusqu’à St Chamas, au prorata des rentes et revenus qu’elle ferait de ses moulins, arrosages et autres commodités.

            Par là, l’Oeuvre Générale de Craponne se confondait essentiellement avec l’ancienne branche de Salon, dont le canal, la prise et les ouvrages seraient entretenus à frais communs.

            Par contre, l’Oeuvre d’Arles devait payer seule toutes les dépenses de son canal, qui commençait à Lamanon; toutefois, Eyguières et Istres devaient participer à ces dépenses pour la partie commune de la branche d’Arles. La cotisation des anciens associés était maintenue comme en 1571. On y ajouta celle de Frédéric de Craponne pour Istres et Grans, fixée à 200 écus. Les 2 sociétés devaient gérer et administrer l’oeuvre commune à tour de rôle, chaque année, suivant un tableau dressé à l’égard des 9 membres qui composaient chacune d’elles.

 

            En 1584, le Roi Henri III accorda, par lettres patentes en date du mois de Décembre, des exemptions d’impôts aux associés de la conduite d’eau de la Durance, sur le territoire d’Arles.

            Comme il n’avait pas été stipulé dans la transaction du 16 février 1583, qui réunit les deux oeuvres, dans quelle proportion l’ancienne Oeuvre de Salon et la nouvelle Oeuvre d’Arles contribueraient aux dépenses, il fut décidé de désigner des députés chargés de rechercher les rentes et revenus des moulins, engins et arrosages de l’Oeuvre d’Arles. Une délibération de l’assemblée générale, en date du 23 décembre 1586, constata que les rentes et revenus des moulins, engins et commodités de la nouvelle compagnie valaient tout autant que ceux de l’ancienne. Par ce fait, à la pluralité des voix, la branche d’Arles fut cotisée d’une façon invariable, tout comme la branche de Salon, pour 1160 écus. Cette égalité des charges entraînait celle des droits à la propriété des eaux.

 

            Les actes de 1571, 1583, 1586 constituèrent les textes fondamentaux de l’Oeuvre Générale de Craponne, qui fut régie d’après les bases de transactions précitées jusqu’à nos jours. Ces actes, sanctionnés par la suite par plusieurs arrêtés du Parlement (30 Juin 1683, 27 Juillet 1683, 28 Juin 1726) et de la Cour d’Aix (12 Mai 1875) prirent le caractère de règlement d’administration publique.

 

 

  Suite...

 

 

Sources:

- Ministère de l'Agriculture, D.d. (1975). Etude Générale de Modernisation des Irrigations de la Basse Durance - Canaux de Craponne, Organisation et Ouvrages, Mémoire Descriptif - Historique et Situation Juridique.

- BALLAND,P., HUET,P., LAFONT,E., LETEURTROIS,J-P., & PIERRON,P. (2002). Rapport sur la Durance – Propositions de simplification et de modernisation du dispositif d'intervention de l'Etat sur la gestion des eaux et du lit de la durance – Contribution à un Plan Durance. Ministères de l'Ecologie et du Développement Durable, de l'Industrie et de l'Agriculture, de l'Alimentation, de a Pêche et des Affaires Rurales, de l'Equipement, du Transport, du Logement, du Tourisme et de la Mer.

- DDAF13, Services Hydrauliques (1976). Les Groupements d'hydraulique Agricole des Bouches du Rhône - E: Irrigations de Craponne.

 

 

 

 

 

 

 

 

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